Des Cambodgiennes luttent pour leur forêt sacrée

Dans les forêts de la province de Ratanakiri au Cambodge, des communautés indigènes vivent ensemble sur des terres collectives. Depuis que des entreprises étrangères se sont emparées de leurs territoires, les femmes de ces villages reculés se battent pour récupérer leurs terres, leur forêt et leurs sites sacrés. Avec nos partenaires, nous soutenons le combat de ces femmes. Photos ©Savann Oeurm/OXFAM

La nouvelle a mis le village de Padol en émoi. Des inconnus étaient en train de couper des arbres dans la forêt protégée de l'autre côté de la rivière Sesan. Le village se devait de les arrêter. Les anciens du village ont immédiatement organisé une réunion. Les femmes ont présenté les propositions les plus raisonnables et ont donc été désignées pour représenter la communauté.

Ces femmes déterminées ont traversé le Sesan, un cours d'eau à fort courant, en bateau. « Je n'avais pas peur", explique Romas Phlul. « Je voulais juste les arrêter. Si nous n'avions pas eu de bateau, j'aurais traversé à la nage. »

À leur arrivée, les femmes ont demandé aux trois travailleurs s'ils avaient les documents appropriés. Ce n’était pas le cas, alors les femmes ont confisqué leur matériel et les ont invités au village afin de discuter de la question. Le lendemain, un représentant de la société s’est rendu au village dans le but de négocier avec les femmes. Mais elles n'ont pas cédé et la société n’est plus jamais revenue sur leurs terres.

Accaparement de terres dans le nord du Cambodge

Les communautés indigènes de la province peu peuplée de Ratanakiri, au nord du Cambodge, sont sous pression. Elles essaient de préserver leurs terres communales dans les forêts, mais le gouvernement cambodgien attribue de vastes zones à des entreprises agricoles et minières. Cela se fait sans aucune consultation des communautés locales. Cet accaparement pur et simple des terres constitue une grave violation de leurs droits.

Pour les femmes indigènes, la forêt est sacrée. « Nous dépendons des ressources naturelles de la forêt depuis des siècles », déclare Chanthy Dam. Cette femme indigène Toumpoun est directrice de l'association Highlander, partenaire d'Oxfam, qui représente les intérêts des communautés. « La forêt est notre marché. Nous y cherchons des légumes, du bois ... en réalité de tout. »

Le leadership féminin au cœur des communautés indigènes

Avec l'association Highlander, nous aidons les communautés indigènes à revendiquer leurs droits fonciers, à protéger leurs ressources forestières et fluviales et à préserver leur culture.

Dans les communautés indigènes de Ratanakiri, ce sont généralement les hommes qui dirigent. Mais l'association Highlander les aide à remettre en question les schémas traditionnels de répartition des rôles entre hommes et femmes. L’organisation apprend aux hommes et aux femmes à travailler ensemble et les encourage à reconnaître le leadership féminin. Les femmes suivent des formations afin de s’affirmer en tant que leader.

Des bulldozers sur la plantation d’anacardiers

Sol Preng, du village de Malik, se souvient parfaitement du jour où les bulldozers ont fait irruption sur la plantation familiale. La société vietnamienne de plantation d’arbres à caoutchouc Hoang Anh Gua Lai (HAGL) avait obtenu une concession de terres de la part du gouvernement cambodgien et a commencé à défricher les terres en 2012 sans consulter la communauté.

« La société a déraciné nos anacardiers juste avant la récolte », dit-elle. « J'ai perdu quatre hectares de terre, tous mes arbres et même ma maison. Mais le pire, c'est que nous avons perdu notre forêt. Nous y allions pour chercher des champignons et des légumes. »

Khwas Blov aussi a perdu ce jour-là ses anacardiers et ses bananiers, ses poulets et sa maison. « J'ai quand même essayé de les arrêter pour pouvoir sauver ma récolte. Mais je n'ai pas réussi. »

Les femmes travaillent ensemble contre l’accaparement des terres

Une fois la poussière retombée, Sol, Khwas et les autres femmes ont fait front. « J'étais tellement en colère, mais je ne savais pas quoi faire », se souvient Sol. « Je voulais une compensation pour la perte de mes anacardiers. »

« Nous avons commencé à chercher des ONG qui pourraient nous donner des conseils et nous avons atterri à l'association Highlander. Je suis allée de maison en maison pour recruter des femmes. Ainsi, nous pouvions coopérer pour récupérer nos terres. »

Une plainte formelle auprès de la Banque mondiale

Avec l'aide des ONG, les femmes de Malik ont enquêté sur l'entreprise qui a détruit leurs plantations. Elles ont appris qu'une agence de la Banque mondiale avait investi 16,4 millions de dollars dans une entreprise vietnamienne liée à la plantation de caoutchouc.

Cela a ouvert une perspective : Malik et 16 autres communautés affectées par la concession foncière ont déposé une plainte officielle de 36 pages auprès de la Banque mondiale en 2014. Elle détaillait la perte de terres, de sources d'eau, de zones agricoles, de forêts sacrées et de lieux de sépulture.

Après des années de négociations, l'entreprise a été contrainte d'arrêter le défrichage et a dû payer une compensation. Fin mars 2019, le gouvernement provincial de Ratanakiri a annoncé que la société devait encore restituer 742 hectares de terres.

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